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Pierre Le Bot - Thèse sur « Dans le cabinet de Neptune. Le comte de Maurepas et la conduite de la guerre sur mer, 1739-1748

Fils et petit-fils des deux derniers secrétaires d’État à la Marine de Louis XIV, Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas (1701-1781), a lui-même conservé ce département de 1723 à 1749, soit pendant plus d’un quart de siècle et près de la moitié du règne de Louis XV. Vers la fin de l’année 1745 pourtant, soit un et demi à peine après l’entrée en guerre officielle de la France contre la Grande-Bretagne, Maurepas faisait significativement débuter ses fameuses Réflexions sur le Commerce et sur la Marine par cet aveu : « Depuis vingt-trois ans que le roi m’a confié le département de la Marine et celui du commerce maritime, j’ai eu occasion de faire beaucoup de réflexions sur ces deux parties de mon administration. L’application que j’y ai apportée durant une longue paix ne m’avait pas encore donné toutes les connaissances et l’expérience que la guerre présente m’a fait acquérir […] ».

De fait, la guerre de Succession d’Autriche, premier grand conflit maritime et colonial du règne, apparaît bien comme le point d’orgue inattendu et, en un sens, le moment de vérité d’un ministère qui s’était jusque-là déroulé sans heurts, dans la sécurité toute relative d’une paix précaire : d’emblée, la guerre révèle la vulnérabilité d’une flotte depuis longtemps réduite à de trop faibles effectifs, mal entretenue faute de fonds et servie par un corps d’officiers vieillissants ou inexpérimentés ; elle dissipe aussi sans tarder les chimères dont on s’était longtemps flatté dans l’entourage du ministre, faisant voler en éclats l’idée qu’en recourant à la course, sur le modèle de ce qui avait été pratiqué lors de la guerre de Succession d’Espagne, la Marine pourrait, à peu de frais et sans affronter directement la Royal Navy, ruiner le commerce britannique ; l’évidence ne tarde pas à s’imposer en fait, au gré d’une incroyable série de revers et de défaites, que la Marine est impuissante à menacer les intérêts de l’ennemi comme à défendre ceux du royaume.

C’est bien la forme et le contenu de cette expérience de guerre, telle que Maurepas l’a vécue — c’est-à-dire sur le tard et sans y avoir été préparé, le plus souvent à huis clos et la plume à la main, au cœur en outre d’une cour et d’un gouvernement en pleine recomposition — , que l’on s’efforcera ici de mettre au jour. L’enjeu de cette recherche, dès lors, sera triple, puisqu’il sera à la fois question : 1°. de mesurer, depuis cet observatoire privilégié qu’est le cabinet d’un ministre abreuvé de lettres, de projets et de mémoires, l’ampleur et les raisons d’une défaite inattendue, à l’origine d’une prise de conscience négligée jusque-là par les historiens ; 2°. de révéler les efforts alors déployés par Maurepas pour enrayer l’effondrement de la Marine, se conserver les bonnes grâces du roi malgré les revers essuyés et jeter les bases d’un redressement futur ; 3°. enfin, d’éclairer à partir de ce cas particulièrement bien documenté les pratiques et les réalités de la conduite de la guerre à cette époque.

Sources

L’enquête a été menée pour l’essentiel dans l’inépuisable série B du fonds Marine des Archives nationales, dans les principales sous-séries de laquelle ont été menés des dépouillements aussi étendus que possible.

Ainsi la sous-série B4 (« Campagne »), traditionnellement très prisée des historiens pour la commodité desquels elle a été constituée de manière tout à fait artificielle à une époque où l’histoire-bataille régnait sans partage, a-t-elle fourni 21 cartons, dont le contenu — instructions remises aux commandants des vaisseaux et des escadres du roi, lettres adressées par ceux-ci au ministre au sujet de leur campagne, journaux de bord, sans compter divers mémoires et états — a moins servi à nous renseigner sur le déroulement des opérations et des combats qu’à nous faire une idée de ce que le secrétaire d’État à la Marine pouvait, depuis son cabinet, saisir des réalités de la guerre sur mer.

Ont également été dépouillés 98 cartons de la sous-série B3 (« Lettres reçues »), contenant chacun un volume où sont reliées les lettres adressées au secrétariat d’État, qui nous renseignent pareillement sur la nature des informations qui remontaient des arsenaux, des ports et des provinces où l’on mettait en œuvre les décisions prises à la Cour.

Complétant ce que l’on appelle traditionnellement la « correspondance des ports », la sous-série B2 (« Lettres envoyées ») a également été mise à contribution avec 71 cartons dépouillés, soit autant de registres où les commis du secrétaire d’État copiaient ou reliaient à mesure les minutes des dépêches et des instructions expédiées au jour le jour par le ministre, à partir desquels on peut à la fois reconstituer très précisément la chronologie et le contenu des décisions relatives à la conduite de la guerre et envisager le rôle de la correspondance ministérielle comme outil d’administration et de gouvernement.

Enfin, la sous-série B1 (« Décisions »), généralement négligée quant à elle par les historiens, bien qu’elle conserve les archives du Travail du roi, c’est-à-dire de l’entretien que celui-ci accordait chaque semaine à son secrétaire d’État à la Marine pour que ce dernier lui rende compte des affaires de son département et prenne ses ordres sur différents sujets, a fourni 9 cartons contenant plusieurs centaines de « feuilles du roi » qui nous font pénétrer au cœur des réalités de la conduite de la guerre à cette époque, offrant ainsi à propos du rôle de Maurepas au cours de la guerre de Succession d’Autriche un éclairage absolument unique.

À ces 199 cartons sont par ailleurs venus s’ajouter, outre le produit de plusieurs campagnes de fouille ponctuelles dans la sous-série B6 (« Galères »), dans les archives des Colonies et dans celles des Affaires étrangères, les 16 cartons de la « collection Maurepas » de la bibliothèque de l’université de Cornell, où sont conservés la plupart des papiers que le ministre emporta dans son exil en 1749, lesquels après avoir été vendus aux enchères à New York en 1962, ont été dispersés dans un certain nombre de collections publiques et privées des États-Unis. Ces « papiers Maurepas » complètent non seulement la correspondance du ministre mais aussi et surtout les archives du Travail du roi, contribuant ainsi de manière très significative à notre compréhension des enjeux et des pratiques qui étaient alors ceux de la « guerre de cabinet ».

Curriculum vitæ

Expérience d’enseignement

– Professeur agrégé, lycée Guillaume Budé à Limeil-Brévannes – 2017-…

– ATER, université Paris-Sorbonne – 2016-2017

– Doctorant contractuel, université Paris-Sorbonne — 2013-2016

– Professeur agrégé (stagiaire), collège Lamartine à Paris IXe – 2012-2013

Parcours d’études

– Doctorat d’Histoire, université Paris-Sorbonne – 2013-…

– Préparation à l’agrégation d’Histoire, université Paris-Sorbonne – 2011-2012

– Master d’Histoire, université Paris-Sorbonne – 2009-2011

– Mémoire de recherche sous la direction du Pr. Olivier Chaline avec pour sujet « La bataille de Minorque, 1756 » (Prix Daveluy 2012).

– Licence 3 d’Histoire, université Paris-Sorbonne – 2008-2009

– Hypokhâgne, Khâgne, lycée Louis-le-Grand – 2006-2008

Publications

– « Bilan opérationnel des marines française et britannique, 1778-1783 », dans Philippe Bonnichon, Charles-Philippe de Vergennes, Olivier Chaline (dir.), Les marines de la guerre d’Indépendance américaine, 1763-1783. II – La mise en œuvre opérationnelle, Paris, PUPS (sous presse, à paraître en 2018)

– « La ‘nouvelle marine d’Espagne’ vue par les Français, 1734-1735 », dans Olivier Chaline et Agustín Guimerá (dir.), La Real Armada. La Marine des Bourbons d’Espagne au xviiiesiècle, Paris, PUPS (sous presse, à paraître en 2018)

– « ‘Beaucoup de mal et peu d’honneur’ : la Marine royale en guerre contre Tunis et Tripoli, 1727-1729 », Revue d’histoire maritime, Paris, PUPS, n° 21, 2015/2, p. 389-406

– « La bataille de Minorque (20 mai 1756) : anatomie comparée de deux escadres », Chronique d’histoire maritime, Paris, SFHM, n° 72, juin 2012

Communications

– « Les défaillances de l’arsenal de Brest et l’effondrement de la marine au cours de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748) » dans le cadre du colloque international « Les arsenaux de marine du xvie siècles à nos jours », Université Bordeaux Montaigne – CEMMC, 19-21 octobre 2016 (actes du colloque à paraître aux PUPS)

– « De l’influence de la puissance navale… sur le cours de la guerre en Italie : la Royal Navy en Méditerranée (1742-1748) » dans le cadre de la journée d’études « Impériaux et Franco-Espagnols en Italie du Nord pendant la guerre de Succession d’Autriche », Paris-Sorbonne, 3 novembre 2015

– « Bilan opérationnel comparé des marines française et britannique, 1778-1783 » dans le cadre du colloque international « Les marines de la guerre d’Indépendance américaine (1763-1783) — 2. La mise en œuvre opérationnelle », Paris-Sorbonne/Société des Cincinnati de France, 7-8 février 2013