Ecrire l’histoire environnementale au XXIe siècle : sources, méthodes et pratiques
Colloque international du RUCHE (Lyon, 13-15 juin 2018)
Ports et environnement : une histoire exemplaire à écrire dans la longue durée
Les tendances récentes de l’histoire maritime l’ont inscrite à l’agenda de l’histoire globale1. Si cette relation apparaît évidente, elle l’est a priori tout autant de celles entre histoire maritime et environnement. A ce jour, toutefois, ce champ de recherches est demeuré largement en jachère chez les historiens du fait maritime. Parmi les chantiers qu’il a lancé depuis sa refondation en 2014, le GIS Histoire & Sciences de la Mer2 – Groupement d’intérêt scientifique national CNRS InSHS – explore désormais cette piste, en réunissant autour d’historiens maritimistes diverses disciplines des SHS, du droit, de l’économie et des sciences dites « exactes ». Ainsi, le premier chantier consacré à la question des pêches dans la longue durée a-t-il donné lieu à l’élaboration d’un programme de recherche destiné à réinterroger la question de la crise de la ressource halieutique dans l’histoire. Ce programme a reçu une première reconnaissance scientifique, puisqu’il a été retenu en juin 2017 parmi les projets financés par le LabexMER (projet Alma mare).
Le deuxième chantier élaboré par notre réseau est consacré à la thématique « ports, flux, échanges ». Trois journées d’études (Brest, Sables d’Olonne, Nice) ont donné lieu à de riches échanges interdisciplinaires. Du bilan de ces séminaires, le conseil scientifique du GIS a proposé en septembre 2017, le lancement d’un deuxième programme de recherches relatif aux relations entre ports et environnement dans la longue durée. Les interventions de biologistes, d’écologues, de géographes ont bien mis en valeur, au cours de ces trois journées, la diversité des impacts sur le milieu proche, naturel et anthropisé, qu’ils soient causés par le trafic maritime (déballastage, espèces invasives) et terrestre (pollutions liées au trafic poids lourds, congestion du trafic), par les aménagements (clapage, eutrophisation, efflorescences toxiques) et l’activité industrialo-portuaire (recyclage des déchets, pollutions diverses, risques industriels majeurs). Loin d’être un phénomène récent, l’empreinte environnementale de l’activité portuaire s’inscrit dans la très longue durée. Il s’agit, au demeurant, d’une inscription bijective. Si les équipements littoraux exercent des pressions sur l’environnement, accompagnés d’effets économiques, sociaux et politiques, le milieu naturel a, depuis la plus haute Antiquité, représenté le premier facteur de contrainte pour l’aménagement d’infrastructures portuaires. À cet égard, le programme de recherche Portus Limen financé par l’European Research Council apporte des informations d’un intérêt majeur3.
1 M. Fusaro et A. Polonia, « Maritime History as Global History », Research in Maritime History, n° 43, 2010.
2 Cf. site Internet GIS Histoire & Sciences de la Mer
3 Cf. site Internet Portus Limen.
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Dans le cadre du colloque du RUCHE, le GIS Histoire et Sciences de la Mer propose une communication visant à exposer un état des lieux problématisé des rapports entre ports et environnement dans la longue durée. Les pistes de réflexion proposées sont les suivantes :
- Quelles pressions les équipements, les aménagements hydrauliques et les activités portuaires ont-ils imposé à leur environnement immédiat et périphérique ?
- Si les grands ports et hubs contemporains sont de vastes territoires entièrement artificialisés capables de se soustraire aux contraintes naturelles initiales grâce à la puissance de l’ingénierie civile, il n’en a pas toujours été de même. Il s’agit en réalité d’un fait extrêmement récent, puisque le choix des sites portuaires a été, pendant des siècles, extrêmement dépendant d’un milieu considéré comme plutôt favorable à l’implantation d’une activité de transbordement. Toutefois, ce milieu présente aussi ses propres dynamiques et sa propre trajectoire, dont les contraintes ont pu être amplifiées par les installations et les activités portuaires elles-mêmes, ou bien par celles développées plus en amont des bassins-versant (extraction de carrières, déforestation, etc.).
- Les effets des relations complexes entre ports et environnement s’étendent, là aussi dans la longue durée, à la faune aquatique (habitats halieutiques, nourriceries, invasion d’espèces allochtones tendant à se substituer aux espèces autochtones) et aux sociétés littorales qui doivent composer avec des nuisances de divers ordres (sanitaires, olfactives, visuelles, sonores). La question de la protection environnementale dans les territoires portuaires est devenue un enjeu central de l’acceptation de leur activité par les sociétés littorales.
- Il conviendrait, en dernier lieu, de tenter de préciser les caractéristiques d’un écosystème environnemental spécifique aux ports, lesquelles ont nécessairement présenté des configurations différentes dans la longue durée.
GIS Histoire & Sciences de la Mer